Le Cinéma malgache

  • Mis à jour : 1er avril 2015

LE CINÉMA MALGACHE

Les débuts du cinéma malgache

A Madagascar, l’histoire du cinéma débute dès la fin de la première guerre mondiale. Le cinéma muet était diffusé dans les salles Excelsior, Gallieni, et Universel de la capitale de la grande île. Comme partout ailleurs dans le monde, le cinéma muet et notamment Charlot faisait fureur.

Le film parlant atteindra Madagascar dès 1935. En 1936, se crée à Madagascar « le Consortium Cinématographique » société de diffusion du cinéma qui, non seulement achetait des films, du matériel de projection, des bandes adhésives, des lampes mais aussi formait des techniciens pour l’entretien de ce matériel. Vers les années 1935-1940, les premiers cinémas tenus par des Malgaches (couple Rabenja) tels le Valiton (1937) et l’Eden (1939) projetaient les premiers films parlants. Les spectateurs étaient issus de la classe supérieure : colons français, classes aisées de l’administration, élite malgache. Le cinéma était réservé à des adultes, c’était non pas un lieu de divertissement mais un lieu où l’on se montrait.

Le cinéma malgache : De la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’en 1975

Les années 50 voyaient l’ouverture par le Consortium Cinématographique, de la grande salle du REX (849 places) et l’inauguration de Métro (200 places) en 1948 avec le film « Le troisième homme ». On assiste durant ces années à une véritable ouverture au niveau du public qui cette fois est composé d’intellectuels et de passionnés de cinéma, de culture.
Le cinéma malgache est né du documentaire. Le plus ancien, « La mort de Rasalama », a été réalisé en 1947 par Raberojo à l’occasion de la cérémonie commémorative du centenaire de la mort de Rasalama (premier martyr de la persécution religieuse).

Des années 60 aux années 70, le choix du Consortium Cinématographique est de diffuser dans ses salles des superproductions américaines et françaises (des westerns, des films romantiques). La politique d’action était à la rentabilité. Dans les années 70, la diffusion en plein air est apparue, on assiste à la démocratisation du cinéma, il devient cinéma populaire et les séances sont attendues par tous. A partir de 1969, les autorités ont montré un intérêt certain à promouvoir le cinéma qui pouvait être une arme efficace pour le développement de la population malgache composée de 90 % de paysans. Dans le sens de cette politique, le Centre Malgache de Production de Films Educatifs (CMPFE) a été créé en 1969, afin de réaliser des films éducatifs et des documentaires de courts et moyens métrages. L’étroite collaboration avec l’animation rurale a permis la projection de 21 films éducatifs et documentaires dans les villages les plus reculés de l’île.

Si quelques films furent réalisés durant la période coloniale, comme « Itoerambolafotsy » et « Général Labigorne » (1958), la production d’un cinéma national de fiction a fait ses premiers pas pendant les années post-indépendance. Le véritable envol du cinéma malgache se situe autour des années 70 avec « Saribao » de Hugues Raharimanantsoa, film qui retrace la mésaventure d’un brave paysan monté en ville pour vendre du charbon (1970)

, « Lalao Fahiny » de Nairo Rahamefa en 1971, « Tranon-Kala » un court métrage de Richard Claude Ratovonarivo réalisé la même année (un condamné à mort se rappelle quelques images de sa vie avant son exécution).

En 1972, le film « L’Accident » de Benoit Ramampy (aidé par les institutions françaises : prêt d’une caméra venant de Paris durant 2 mois de tournage par le CCAC) obtient, par la suite, le prix du meilleur court métrage au Fespaco à Ouagadougou (Burkina-Faso).

Enfin, sont produits en 1973 « Very Remby » ou « Le Retour » de Solo Ignace Rand Asana, sur la migration saisonnière, « Rovi-damba Ririnina » de Jeannot Rarojo, sur le problème du retour à la terre et « Asakasaka » de Limby Maharivo, un fait social qui décrit la vie d’une jeune fille mise enceinte par un étudiant sans ressources ; elle sera contrainte d’avorter et en mourra.

A cette époque, la plupart des réalisateurs se sont formés à Madagascar « sur le tas », puis se sont ensuite perfectionnés en France dans des écoles renommées. Le CMPFE a mis en place des formations pour les techniciens durant les années 60-75. Les films ont bénéficié des aides de la Coopération française, du Ministère de l’Information, de la Communication et de la Culture malgache, de Sorex, de l’ONCIC, et des investisseurs locaux ou étrangers privés sollicités par les réalisateurs. Vers les années 70, le Consortium cinématographique commença à attribuer des subventions à des réalisateurs.

En 1975, on comptait une cinquantaine de salles sur tout le territoire. Le Consortium Cinématographique était propriétaire de 10 salles, toutes équipées de projecteurs 35 mm : 5 dans la capitale et 1 dans chaque province. Les autres salles appartenaient aux sociétés : Anjary, Omnium Malagasy, Spectacles et Publicités.

Le Consortium Cinématographique gérait la diffusion dans toutes les salles de l’île et des Mascareignes (ancien nom de l’archipel de l’océan Indien) ainsi que l’entretien ; il employait une centaine de personnes. Il importait jusqu’à 350 films par an. Il y avait même des doubles programmations pour faire tourner le stock et rentabiliser rapidement les diffusions. Les westerns, karaté, black cinéma, films religieux totalisaient 60% des programmes.

Ce bel élan de création fut pourtant stoppé net par la révolution socialiste qui considéra le cinéma non pas comme un vecteur de rêve mais plutôt comme un instrument de propagande politique.

La cassure du 16 juin 1975

L’instauration en 1975 d’un régime « révolutionnaire », placé sous l’autorité de Didier Ratsiraka, va bouleverser le fonctionnement du secteur de l’audiovisuel. Selon la Charte de la Révolution Socialiste Malagasy, « l’information qu’elle soit écrite, parlée ou audiovisuelle, doit donc aider à la réalisation des objectifs fondamentaux de la révolution tels qu’ils ont été définis. C’est un moyen privilégié d’éducation du peuple, d’organisation des masses, de diffusion des idées….. »
De plus, le Ministère de la Culture se dénommera le Ministère de l’Idéologie ! Cette Charte à double sens, privilégie le monopole d’Etat qui sera exercé par l’Office Malgache du Cinéma (OMC) remplaçant, en 1978, le CMPFE (l’OMC deviendra Cinémédia une société anonyme sous tutelle de l’Etat en 1986). L’OMC impose ses directives à des sociétés privées comme le Consortium Cinématographique qui distribuait une grande partie des films à Madagascar et dont l’activité était totalement rentable. En 1975, Le Consortium Cinématographique devient le Consortium Cinématographique Madagascar (séparation juridique avec le Consortium Cinématographique qui gérait toutes les salles de l’océan Indien) et resta une société privée mais avec une activité nationalisée. L’OMC se consacra seulement à la diffusion des films, mit de côté la production qui commençait à prendre naissance à Madagascar.

Le Consortium Cinématographique Madagascar devait sous l’ordre de l’OMC diffuser des films de propagande politique venus d’Union Soviétique, de Corée ou de Cuba. L’OMC avait l’entière liberté du choix et du contrôle des films importés.

De 1978 à 1992, les importations totales ont été de 1094 films seulement. Les taxes prélevées par l’Etat pour la diffusion deviennent de plus en plus chères, ce qui a une répercussion directe sur le prix du billet qui passe de 0,025 à 0,165 euro. De plus, les programmations imposées ne satisfont guère les attentes du public qui déserte les salles.

Les films russes ou coréens, sous-titrés en Français ou en version originale, écartaient la jeunesse qui en pleine malgachisation ne comprenait que les films dans la langue nationale. De ce fait, les goûts du public s’orientaient vers les quelques films d’actions dont la compréhension ne nécessitait pas la lecture du sous-titrage en français et vers les vidéoclubs clandestins qui ont fait leur apparition en 1985 pour connaître un succès sans précédent en 1986.

De 1981 à 1996, le nombre de spectateurs à Madagascar passe de 3.559.744 à 199.499.

A partir de 1989, les salles ferment progressivement leurs portes et deviennent des entrepôts, des annexes d’hôtel. Dans la capitale, il ne restait plus que le Ritz et le Rex qui proposaient deux séances : 14h et 16h30 plus une troisième, à 18h30 le samedi et le dimanche. La séance de 20h a définitivement disparu du fait de la raréfaction des transports et d’une délinquance en progression. En province, les salles de Fianarantsoa, Mahajanga et Tuléar ferment également.

En juin 1996, le public déserte les salles définitivement et toutes les salles de la capitale ferment leur porte. A partir de cette date, on parlera de « salles obscures ». A cette époque, un texte de loi sera mis en place pour la libéralisation des salles, qui ne sera jamais signé.

Dès 1975, comme la production cinématographique entre dans une phase de sommeil, les techniciens formés aux techniques cinématographiques se tournent vers les chaînes de télévisions locales et optent pour le format vidéo afin de réaliser en majeure partie des documentaires et des clips.

Quelques films de fictions ont été réalisés en vidéo : « Le prix de la paix » réalisé par Rakotozanany Abel en 1987, « Liza » réalisé par Solo Ignace Randrasana en 1995 et « Adim-Piainana » réalisé par Rakotonanahary François en 1996.

La production cinématographique ne compte que 4 films. « Dahalo, Dahalo » (voleur de zébu) le film de Ramampy Benoît sera réalisé en 1983, mais n’a pu être projeté sur les écrans de la Grande Ile qu’en 1990. Ce film fut censuré car il montrait de façon trop réaliste le problème de l’insécurité rurale.

Le film « Ilo Tsy Very » ou « La graisse ne se perd pas » réalisé en 1985 par Solo Ignace Randrasana, chronique historique sur la rébellion contre la colonisation française, une coproduction algéro-malgache qui a fait le meilleur score : 127 977 spectateurs entre 1987 et 1989. En revanche, le coût de la production n’a pu être amorti. Le réalisateur retravaille actuellement le montage car à l’époque il n’a pas eu entièrement le droit de regard sur le montage.


Ilo Tsy Very de Solo Randrasana (1/4) par tulle2008

Le réalisateur Raymond Rajaonarivel, lui, a décidé de s’exiler en France. Il réalisera « Tabataba » en 1988, film marquant sur les événements de 1947 qui recevra le prix spécial du jury au festival de Cannes, ainsi que « Le jardin des corps » en 1994, un court métrage sur l’œuvre du sculpteur Ousmane Sow et « Quand les étoiles rencontrent la mer » en 1996.

Les années post -2000

Les vrais réalisateurs de cinéma sont rares et la plupart du temps au stade du court-métrage. A l’initiative d’un réalisateur malgache et avec l’appui des partenaires étrangers (ambassades, Institut Français), on a pu monter un festival de court-métrage dans la capitale. Depuis 2006, les Rencontres du Film Court, unique festival de cinéma à Madagascar, œuvrent pour offrir une véritable plateforme au cinéma malgache. Rencontres, échanges, formations, éducation à l’image, ateliers, concours de courts-métrages malgaches, fonds d’aide, distribution sont aujourd’hui les mots d’ordre du festival pour redonner ses lettres de noblesses au cinéma malgache.
Pourtant, ça reste un festival de découverte et d’encouragement, car les cinéastes font face à des budget très bas pour réaliser les films, très très bas même, presque insignifiants par rapport à l’effort à fournir pour avoir une bonne qualité. En plus, la plupart d’entre nous, comme c’est le cas dans d’autres pays d’Afrique, manquons de formation au niveau de l’écriture et de la technique même.
Pourtant l’envie des jeunes de produire avec peu de moyens est très révélatrice d’un besoin d’expression. Il y a là un vivier de talents qui n’attendent que d’être formés et de partir partager les imaginaires malgaches parmi les cinémas du monde. Pourtant les conditions de tournage ne sont pas toujours faciles comme l’explique Luck Razanajaona à propos de son court – métrage « Le zébu de Dadilahy ». En 2012, ce réalisateur présentait à Cannes son projet « Le chant des Tlous ». Ce film historique, basé sur l’histoire des révoltes anti-coloniales de 1940, avec une approche fantastique.

Malgré ces difficultés, alors qu’à Madagascar, il n’y a plus aucune salle de cinéma en activité, le cinéma d’animation est en plein essor, soutenu par le Festival du film court. Depuis l’avènement du numérique, deux éléments ont marqué le paysage audiovisuel malgache. Depuis les années 2000, une nouvelle génération de cinéastes est apparue, des cinéastes de courts-métrages pour la plupart. Dans ce contexte, l’animation demeure un cas exceptionnel à bien des égards.

En 2010, Claude Alain Randriamihaingo affirmait dans une de ses publications, que le documentaire constituerait une base pour la relance du cinéma malgache. Même si le documentaire n’est plus le genre le plus représenté actuellement, il est vrai que l’impulsion est certainement venue de là. Les réalisateurs malgaches les plus connus sont des documentaristes (Laza, Nantenaina Lova pour ne citer qu’eux). Et effectivement si Laza a pu créer les Rencontres du Film Court en 2006 avec le Centre Culturel Albert Camus] c’est parce qu’il était déjà reconnu et notamment par son travail documentaire.
La relance est donc passée par le documentaire. Pour Laza, le cinéma à Madagascar est un cinéma d’urgence bien qu’il ne se fasse pas dans la précipitation, « c’est pour exister dans la marmite mondiale du cinéma ». Or pour exister dans cette marmite mondiale, il faut passer par les canaux obligés et donc se conformer aux standards, qu’ils soient thématiques ou esthétiques. Et cela a marché jusqu’il y a quelques années, le documentaire étant un genre apprécié des bailleurs.
Si la relance après vingt ans de léthargie est issue du documentaire, le véritable renouveau est venu du format court. Un court-métrage coûte moins cher, et le réalisateur n’a pas à besoin de chercher un apport financier auprès des financeurs du Nord. Ainsi donc, libéré de toute contrainte scénaristique et esthétique, le court-métrage s’émancipe du formatage subi par le long métrage. La liberté permise par ce format court, fait souffler un vent nouveau sur le cinéma à Madagascar depuis la création des RFC.Quelques noms sont désormais bien connus, que ce soit à Madagascar ou à l’international. Ludovic Randriamanantsoa, Luck Razanajaona, Ando Raminoson, Tovoniaina Rasoanaivo.

L’ensemble de la cinématographie malgache mérite toute notre attention. Mais c’est bien l’animation qui revêt un intérêt particulier pour son caractère hors du commun, étant donné le contexte difficile. Une petite dizaine de cinéastes maintient depuis quelques années l’animation malgache sur le haut du pavé. C’est le cas notamment de Herizo, « Bashy » Ramilijaonina, auteur de « Selamanana »,

de Cid, réalisateur de « The Bee », de [[Sitraka Randriamahaly pour « La chasse au lambo », ou encore Ridha Andriantomanga, qui a réalisé « ILM et Le savoi »r. Bien sûr cette brève énumération est loin d’être exhaustive.

Merci à Flore Defossemont qui a étudié, en 2003, les conditions de développement d’un cinéma à Madagascar dans le cadre des travaux du département de Sociologie des organisations de l’Université Paris IX - Dauphine (Directeur de mémoire : Michel Liu)
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