Le cinéma tchadien

  • Mis à jour : 21 septembre 2018

Mahamat-Saleh Haroun, cinéaste est devenu ministre de la Culture du Tchad. C’est dire l’importance du cinéma dans la culture contemporaine tchadienne souvent entravée dans sa progression ou dans sa survivance mémorielle par les guerres incessantes depuis plus de 60 ans.
Pour la première fois des films apparaissent dans les Festivals internationaux, un Premier Festival de cinéma est organisé. Même si la route est longue et semée d’embûches, petit à petit le cinéma tchadien fait son chemin.

LISTE DES FILMS TCHADIENS

- 1966 « Les Abattoirs » de Forchia

- 1995 « Goï-Goï » de Mahamat-Saleh Haroun - Cort Métrage Comédie dramatique
Synopsis = Goï-Goï, qui se sait cocu, surprend sa femme avec son amant, et tue ce dernier

- 1999 « Bye Bye Africa » de Mahamat Saleh Haroun - Drame
Synopsis =
Le réalisateur Mahamat-Saleh Haroun quitte la France où il vit pour aller rendre un dernier hommage à sa mère qui vient de mourir au Tchad. Dix ans après son départ, il retrouve un pays qui a été dévasté par la guerre. À l’occasion des repérages qu’il effectue pour préparer le tournage d’un film intitulé Bye Bye Africa, il filme un pays exsangue d’où la guerre a chassé le cinéma. Il constate que la plupart des salles de projection ont été détruites, que les rares appareils de projection sont vétustes, que les bobines sont souvent abîmées et jamais renouvelées. Par ailleurs, la concurrence des salles de projection vidéo de quartier est rude. La réalisation de films au Tchad est rendue quasiment impossible par l’absence de structures de production et par le fait qu’une partie de la population a du mal à faire la part des choses entre fiction et réalité. Une actrice qui a joué un rôle de séropositive dans l’un de ses précédents films a été rejetée par ses proches et sa famille qui la croyaient porteuse du VIH.

- 2000 « Daresalam » de Issa Serge Coelo - Drame
Synopsis = Koni and Djimi, deux amis d’école, fuient leur village après que la visite d’un collecteur d’impôt ait déclenché une émeute. Ils rejoignent les rebelles dans la brousse., convaincus qu’ils pourront rétablir la justice vis à vis de leurs compatriotes. A la fois sur le plan des luttes idéologiques et armées , un fossé se creuse entre les deux amis. Seul point d’accord : le remède est parfois pire que le mal. Daresalam, le premier long métrage tchadien s’inspire de l’hisoire de Hissene Habre et Goukouni Weddeye, deux anciens présidents du Tchad

- 2002 « Abouna » de Mahamat Saleh Haroun - Drame
Synopsis =
Tahir (quinze ans) et Amine (huit ans) se réveillent un matin en apprenant que leur père a mystérieusement quitté la maison. Ils sont d’autant plus déçus que ce jour-ci le père devait arbitrer un match de football opposant les gosses du quartier. Ils décident alors de partir à sa recherche à travers une longue errance dans la ville, inspectant les différents lieux qu’il avait l’habitude de fréquenter. En vain. Découragés, ils abandonnent, font l’école buissonnière, déambulent au hasard des rues et se réfugient dans les salles de cinéma. Un jour, dans la pénombre, ils leur semblent reconnaître leur père sur l’écran. Les deux frères s’arrangent pour voler les bobines du film en espérant de pouvoir garder un souvenir de leur père, mais la police ne tarde pas à les arrêter. Lasse de leur conduite, leur mère les envois dans une école coranique.

- 2006 « Daratt » de Mahamat Saleh Haroun - Drame
Synopsis =
Tchad, 2006. Le gouvernement a accordé l’amnistie à tous les criminels de guerre. Atim, 16 ans, reçoit un revolver des mains de son grand-père pour aller retrouver l’homme qui a tué son père. Atim quitte son village et part pour N’Djaména, à la recherche d’un homme qu’il ne connait même pas. Il le localise rapidement : ancien criminel de guerre, Nassara est aujourd’hui rangé, marié et patron d’une petite boulangerie. Atim se rapproche de Nassara, lui fait croire qu’il cherche du travail et se fait embaucher par lui comme apprenti boulanger, avec la ferme intention de le tuer. Intrigué par l’attitude d’Atim à son égard, Nassara le prend sous son aile et lui apprend l’art et la manière de fabriquer du pain. Une étrange relation se tisse bientôt entre les deux êtres. Malgré sa répugnance, Atim semble trouver chez Nassara la figure paternelle qui lui a toujours fait défaut.

- 2006 « DP75 : Tartina City » de Issa Serge Coelo - Drame
Synopsis =
L’action se déroule dans un pays africain non identifié, où un escadron de la mort brutal dirigé par le colonel Koulbou (Felkissam Mahamat) sème la terreur. Un journaliste, Adoum (Youssouf Djaoro), ayant obtenu son passeport, veut voyager à l’étranger afin de pouvoir rendre compte de la situation dans le pays ; mais à l’aéroport, une lettre compromettante est trouvée sur lui. Adoum est jeté dans l’une des prisons de Koulbou. Tout espoir semble perdu, mais Adoum trouve l’aide inattendue de l’épouse exilée de Koulbou, Hawa.

- 2006 « Kalala » de Mahamat Saleh Haroun- Film documentaire
Synopsis =
« Sous ce nom congolais, Kalala, se cache Hissein Djibrine, mon meilleur ami, mon plus proche collaborateur. Il est mort le 22 juillet 2003 à N’Djaména. Du sida… Depuis sa disparition, il me semble qu’une partie de moi s’en est allée. J’ai conçu ce film non seulement comme un journal intime filmé, mais aussi comme une enquête sur la mémoire, le cinéma, la maladie. » Mahamat-Saleh Haroun.

- 2010 « Un homme qui crie » de Mahamat Saleh Haroun - Drame
Synopsis =
Adam, la soixantaine, est le maître-nageur de la piscine d’un hôtel de luxe au Tchad. Lors du rachat de l’hôtel par des repreneurs chinois, il doit laisser la place à son fils Abdel et il est recasé à l’entrée du bâtiment. Il vit très mal cette situation qu’il considère comme une déchéance sociale. Alors que le pays est en proie à une guerre civile face à des forces rebelles, tout le monde doit participer à l’effort de guerre. Mais Adam n’a pas d’argent, il n’a que son fils...

- 2013 « Grigris » de Mahamat Saleh Haroun - Drame
Synopsis =
Malgré sa jambe paralysée qui le handicape, Souleymane, alias Grigris, un jeune tchadien naïf d’un milieu pauvre, qui travaille pour son beau-père photographe, rêve de devenir danseur. Il danse régulièrement dans une boîte de nuit en improvisant des chorégraphies au son de la musique pop, joue avec sa jambe comme d’un jouet désarticulé et suscite parmi les clients une admiration qui lui vaut un beau succès et une certaine renommée locale. Mimi, une jeune et svelte prostituée franco-tchadienne, qui rêve de devenir mannequin et qui admire elle aussi la danse de Grigris, fait une séance de photos promotionnelle dans son atelier. Des sentiments s’installent entre ces deux naufragés de la vie.

Le beau-père de Souleymane, que celui-ci respecte et aime comme si c’était son père, tombe soudain malade. La protection sociale étant inexistante au Tchad, la famille devra payer une somme importante à l’hôpital pour qu’il puisse bénéficier des soins. Souleymane, qui se trouve totalement démuni, décide de s’adresser à Moussa, un caïd mafieux, pour obtenir de lui un travail dans le trafic d’essence, fort courant dans le pays, afin de trouver l’argent nécessaire pour financer l’hôpital. Une première expérience de transport de bidons à la nage par le fleuve tourne court, car Grigris connaît une certaine incapacité physique à cause de sa jambe. Sur le point d’être évincé, Grigris obtient cependant un poste de conducteur de quatre-quatre pour le transport de bidons, obtenu grâce à son savoir-faire dans la conduite des voitures. Mais au lieu de mener la marchandise à bon port, il prémédite de la détourner en empochant un bon profit financier, qu’il dédie aussitôt aux soins de son beau-père.

Il s’auto-mutile gravement pour simuler son arrestation par des policiers et leur saisie de la marchandise, mais Moussa, qui ne le croit pas, le menace de mort ainsi que sa désormais petite amie Mimi, avec l’aide de son homme de main. Sommé de trouver l’argent sous deux jours, Grigris se résout à fuir la capitale N’Djaména avec Mimi, pour se réfugier dans un village traditionnel. Mais les malfaiteurs retrouvent très vite leur trace.

LES PRINCIPAUX REALISATEURS

Issa Serge Coelo

Issa Serge Coelo est un réalisateur tchadien né en 19671. Issa Serge Coelo a fait sa scolarité à N’Djaména et à Bamako. Puis il vient à Paris étudier l’histoire à l’Université Paris I Tolbiac. Il change ensuite d’orientation et fait une maîtrise de cinéma à l’école supérieure de réalisation audiovisuelle. Après ses études, il travaille d’abord comme cadreur puis se dirige vers la réalisation.
Son premier court-métrage de fiction, Un taxi pour Aouzou, est réalisé en 1994 au moment de la libération de la bande d’Aouzou. Le cinéaste dresse un portrait de N’Djaména, la capitale du Tchad, meurtrie par des années de guerre civile. Il réalise son premier long métrage en 2001,« Daresalam ». Dans ce film, Issa Serge Coelo évoque l’histoire de deux frères pendant la guerre du Tchad.
Parallèlement à sa carrière de réalisateur, Issa Serge Coelo a produit plusieurs films de cinéastes africains avec sa société, Parenthèse Films : « "Nous ne sommes plus morts »" de François Woukoache, "Bouzié" de Jacques Trabi et "Little John" de Cheick Fantamady Camara. Issa Serge Coelo a réalisé plus d’une dizaine d’œuvres (documentaires et fictions). Il a été plusieurs fois juré dans des festivals internationaux, il est membre de la Guilde Africaine et des producteurs africains et de l’Académie des arts et techniques du Cinéma Français. Il est le directeur depuis 2011 du cinéma Le Normandie, une salle de 600 places, construit en 1949, qui reste l’unique salle de cinéma du Tchad.

Mahamat Saleh Haroun

Mahamat Saleh Haroun fait des études de cinéma à Paris au Conservatoire libre du cinéma français, il se forme au journalisme à l’IUT de Bordeaux puis travaille pour plusieurs quotidiens régionaux en France. En 1991, il réalise son premier court-métrage « Tan Koul », mais c’est son second film « Maral Tanié » réalisé en 1994 qui le fait connaître. Ce film raconte l’histoire du mariage forcé de la jeune Halimé avec un homme d’une cinquantaine d’années. Contrainte par ses parents au mariage, la jeune femme se refuse à son mari.
Mahamat Saleh Haroun réalise son premier long-métrage, « Bye Bye Africa », en 1999. Il est le premier réalisateur tchadien de l’histoire. En 2001, il réalise« Letter from New york City », un court-métrage qui obtient la même année le Prix de la meilleure vidéo au 11e Festival du cinéma africain de Milan. Le second long métrage, « Abouna », en 2002, a remporté le prix de la meilleure image au FESPACO.
Le cinéaste tourne ensuite un documentaire,« Kalala ». Ce film est le portait intime d’Hissein Djibrine2, un proche de Haroun décédé en 2003 du sida. Hissein Djibrine avait produit les deux premiers longs-métrages du cinéaste, et Haroun est profondément touché par cette disparition.
En 2007, Mahamat Saleh Haroun réalise « Daratt » l’histoire du jeune Akim, 16 ans qui quitte son village pour N’Djamena dans le but de venger son père. Il retrouve rapidement l’assassin, un ancien criminel de guerre et se fait embaucher comme apprenti dans sa boulangerie. Mais face à cet homme Akim éprouve des sentiments qu’il n’a jamais connus. Ce film remporte l’étalon de bronze de Yennenga, ainsi que le Prix de la meilleure image au Fespaco. En 2008, Mahamat Saleh Haroun reçoit le titre de chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres.
Son quatrième long-métrage réalisé en 2010 s’intitule « Un homme qui crie. » Le film est sélectionné en compétition officielle lors du Festival de Cannes et remporte le Prix du Jury. Ce long-métrage raconte l’histoire tragique d’un homme et de son fils que la guerre civile au Tchad va séparer. Adam a une soixantaine d’années, ancien champion de natation et maître nageur dans la piscine d’un grand hôtel, il risque de perdre son poste, que la nouvelle direction de l’hôtel veut donner à son fils. Les rebelles sont aux portes de N’Djamena et Adam perd tous ses repères. Mahamat Saleh Haroun filme un climat de guerre qu’il connaît bien, puisqu’en 1980 il avait du fuir au Cameroun, grièvement blessé lors du conflit tchado-libyen. Pour ce film, Mahamat Saleh Haroun reçoit le prix Robert-Bresson à la Mostra de Venise ce prix récompense les cinéastes ayant une œuvre « significative par sa sincérité et son intensité en faveur de la recherche du sens spirituel de notre vie ».
L’année suivante, il est membre du jury des longs métrages présidé par Robert De Niro lors du Festival de Cannes 2011. En 2012, il est nommé Président du 28e Festival international du film d’amour de Mons. Présidence qu’il décide de quitter juste après les délibérations finales afin de montrer son désaccord avec les autres membres du jury.
Lors du 66e Festival de Cannes en 2013, son film « Grigris » est présenté en sélection officielle. Au Tchad, la guerre qui était en toile de fond de tous les films du cinéaste est maintenant terminée. À travers le portrait croisé d’un jeune danseur handicapé et d’une prostituée qui rêve de devenir mannequin, Mahamat Saleh Haroun s’attache à montrer la jeunesse d’un pays en pleine reconstruction.
En 2016, il est à nouveau à Cannes pour présenter son film de témoignages « Hissein Habré, » une tragédie tchadienne qui donne la parole aux victimes du régime d’Hissène Habré, président de la république du Tchad de 1982 à 1990.
Mahamat Saleh Haroun a été ministre du développement touristique de la culture et de l’artisanat du Tchad du 05 février 2017 au 08 février 20188.

Zara Mahamat Yacoub

En grandissant, Yacoub a déclaré qu’elle voulait être avocate. Yacoub a étudié les sciences humaines à l’ Université du Tchad . Plus tard, elle a étudié la communication, spécialisée dans les médias audiovisuels à l’ Institut national de l’audiovisuel de Bry-sur-Marne , en France.
Au Tchad, Yacoub a travaillé comme présentateur et journaliste pour la radio. Après la création de la première chaîne de télévision tchadienne, Télé Tchad, elle y est passée et a d’abord travaillé comme directrice de programme. Elle était la seule femme dans toute la station. Plus tard, Yacoub est devenu directeur de la télévision nationale du Tchad. Elle a également travaillé comme journaliste pour la chaîne sud-africaine Channel Africa .
Yacoub a travaillé pendant plusieurs années pour l’Association des radios privées du Tchad (Union des radios privées du Tchad, URPT). De plus, elle était à la tête de la station de radio privée Dja FM. Elle a été la première femme à avoir lancé une station de radio indépendante au Tchad.Elle a déclaré que les stations de radio communautaires jouent un rôle vital dans le développement du Tchad, mais ne reçoivent pas un soutien substantiel de la part de l’Etat tchadien.
En plus de sa carrière à la télévision tchadienne, Yacoub a également produit plusieurs courts métrages, principalement documentaires, avec sa propre société de production, Sud Cap Production, qu’elle a fondée en 2001. Yacoub est à la fois s’est engagé à renforcer les droits de l’homme, en particulier l’égalité des femmes au Tchad, ce qui en a fait une cible de la répression. Son court métrage "Dilemme au féminin" qui critiquait les mutilations génitales féminines était particulièrement controversé. Le film a suscité de vives protestations dans le pays et une fatwa a été prononcée contre elle en raison de la nudité et d’autres éléments répréhensibles.
En 2015, elle a été arrêtée suite à une bagarre entre sa famille et des commerçants ququi souhaitaient acheter sa maison. Yacoub a été libéré après la participation du quartier. Elle a organisé une session de formation sur la couverture des élections en 2016, axée principalement sur les compétences en matière de reportage, d’éthique et de conduite professionnelle.

SITUATION ACTUELLE DANS LE CINEMA TCHADIEN

Que sont devenues les salles de cinéma au Tchad ? (Reférence : http://africultures.com/ 2012
Depuis son accession à l’indépendance en 1960, le Tchad qui faisait partie du réseau de la Compagnie Marocaine de Cinématographie Commerciale (COAMCICO), n’a jamais atteint les dix salles de cinéma. Sur les sept salles qu’on pouvait compter à l’époque, voici ce qu’elles sont devenues aujourd’hui :

Le Ciné Normandie

Créé vers la fin de la seconde guerre mondiale entre 1945 – 1947, le Normandie fut la toute première salle de cinéma au Tchad. Salle mixte, elle fut l’oeuvre de la famille syro-libanaise Georges Hamadany qui a voulu créer un cadre de loisir pour les tirailleurs sénégalais revenus de la guerre. C’est à juste titre qu’elle prit le nom de » Normandie « . Plusieurs raisons semblent justifier cette appellation. En lui donnant le nom de Normandie, ses fondateurs s’inscrivaient dans une démarche doublement symbolique :
– d’abord, on peut y lire un geste commémoratif attaché a débarquement des troupes en Basse Normandie en 1944 qui devait marquer le début de la victoire ;
– ensuite, on peut aussi le rattacher à la construction du paquebot Normandie, le plus rapide et le plus luxueux du monde et, à ce titre, symbole du génie français.
Toutes proportions gardées, en donnant ce nom à la première salle construite au Tchad, la France veut marquer par là un lien symbolique à la puissance de la métropole.
Salle mixte d’une capacité de 700 places, le Normandie, situé à la limite des quartiers européen et africain, non loin de la place de libération, était la seule salle fermée qui pouvait programmer jusqu’à trois films par jour. Il servit à l’époque de salle de cinéma et abritait aussi d’autres spectacles . Le ciné Normandie a brièvement pris le nom de » ciné ONCIC » du nom de l’ Office national algérien pour le Commerce et l’Industrie cinématographique. Sa gestion passa ainsi des mains de la famille Hamadany à celles de l’ONCIC. Il fut ensuite vendu à un commerçant libanais. Ce dernier le géra conjointement avec le cinéma Rex à Sarh jusqu’en 1990, année de sa fermeture et de sa vente à un commerçant tchadien, Ahmed Lamine. Ce dernier, dans le cadre de ses activités commerciales, avait voulu démolir la salle en vue d’en faire un complexe commercial. Cette décision fut à l’origine des démarches devant aboutir plus tard à son projet de réhabilitation. On voit par là que les changements de propriétaires ou de vocation de cette salle emblématique émeuvent moins que la menace de sa destruction physique. Ceci semble témoigner d’un attachement patrimonial à une architecture porteuse de souvenirs. Aux yeux des Tchadiens, y compris ceux qui n’avaient pas connu le Normandie en tant que cinéma, le bâtiment était en quelque sorte considéré comme un » lieu de mémoire « . En 2011, il a fait l’objet d’une rénovation. C’e fut un événement tchadien mais c’est aussi un événement pour les cinémas d’Afrique confrontés à une fermeture endémique des salles de cinéma. La rénovation du Normandie, la salle mythique de Njaména de près de 600 places, a montré que chaque capitale devrait avoir au moins un cinéma de référence offrant des projections dans de bonnes conditions techniques et de confort pour préserver l’expérience cinéma.

Le Ciné Rio

Le cinéma Rio appartenait au circuit omnibus de la COMACICO et comptait environ 1500 sièges en 1975. Il sert aujourd’hui d’abri aux commerçants venus vendre leurs articles sur les étals au marché central à N’Djaména. Sur instruction du Président de la République, le ministre de la Culture M. Djibert Younous en compagnie du maire 2e adjoint, Loum Inassou Laïna, ont visité cet édifice en date du 18 août 2010 en vue d’une certaine réhabilitation.

Le ciné Shérazade
Le ciné Shérazade qui sert aujourd’hui de magasin de commerce, a également reçu cette visite. L’ordre a été donné aux occupants de quitter ces lieux afin de permettre une étude de faisabilité pour le démarrage des travaux de réfection. Ces mouvements de réhabilitation viennent corroborer l’expression qui dit qu’avec le succès de son dernier film, le cinéaste Haroun Saleh a « donné un coup qui a réveillé les morts ».

Le Ciné Vog et le Ciné Etoile

Quant au cinéma Vog, il a été repris et réfectionné pour servir à d’autres fins. Il sert désormais de siège à l’agence de voyage et de services touristiques Tchad Evasion, qui assure un service d’accueil, de vente de billets d’avion, de location de voitures, ou de visites touristiques dans le Tibesti, l’Ennedi, le parc national Zakouma, le Lac Tchad etc. Une telle entreprise nous amène à nous interroger sur le pourquoi d’un investissement autre que l’exploitation des salles de cinéma par des particuliers qui les rachètent ? À la place du cinéma Étoile, s’est érigé un grand immeuble abritant les locaux du plus grand opérateur de téléphonie mobile au Tchad, Zain, appelé Celtel auparavant. Voici comment se présente la situation actuelle des salles de cinéma à N’Djaména.

Le Ciné Logone
Si à Fort-Lamy, l’Étoile, le Normandie, le Rio et le Shérazade relevaient d’initiatives de familles syro-libanaises, à Moundou, la création du ciné Logone fut celle d’un Soudanais. En effet, c’est dans les années 1958 -1960 qu’un certain Aboul Hassan de nationalité soudanaise eu l’idée de créer ce lieu de distraction. Fermée suite à la guerre civile, elle fut rouverte dans les années 80 par un certain Tidjani et s’est fait appelé de son nom » Ciné Tidjani » jusqu’à sa fermeture définitive suite à une insécurité généralisée. Il a cédé ses locaux à une agence de voyages (Express Sud Voyage).

Le Ciné Rex

En revanche, à Fort-Archambault, le cinéma Rex fut créé dans les mêmes années que le ciné Logone par une famille commerçante libanaise. Salle populaire, il s’approvisionnait à partir de Fort-Lamy. Après être projetés au Rio et au Shérazade, les mêmes films étaient projetés dans la salle de ciné Rex. On y programmait également l’actualité tchadienne produite par la direction de la communication de la Présidence de la République. Appartenant à une même famille et surtout faisant partie d’un même circuit (Étoile – Normandie – Shérazade – Rio – Rex), il fut contraint de fermer comme les autres et passa entre les mains de la famille du président de la République Ngarta Tombalbaye. Les salles de ciné Rex étaient les plus répandues en Afrique noire francophone. On les retrouvait à : Abidjan, Agboville, Bouaké, Daloa, Danane et Gagnoa en Côte d’Ivoire ; Dakar, Bignona, Kaffrine, Kaolack, Louga, Saint-Louis, Thiès et Ziguinchor au Sénégal ; Douala, Yaoundé, Ebolowa, Maroua et Tiko au Cameroun ; Bacongo au Congo ; Bamako au Mali ; Kindia en Guinée ; Lomé au Togo ; Porto Novo au Benin ; Bangui en RCA ; Niamey au Niger et Fort-Archambault au Tchad. Toutes ces salles appartenaient aux circuits COMACICO et SECMA. Au Tchad, le Rex a rouvert aujourd’hui grâce à la bonne volonté d’un exploitant de ciné-club, Vincent Danembaye. Cet exemple est intéressant car il amène à se demander ce qu’est en vérité une salle de cinéma. Il est clair que ce n’est pas seulement un bâtiment, une architecture, une configuration de salle, comme on serait tenté de le croire en voyant le court métrage sur le projet » Des cinémas pour l’Afrique » d’Abderahmane Sissako qui fait du fauteuil le symbole du cinéma. Ici, le bâtiment a conservé, en apparence, sa vocation première : il diffuse des films. Pourtant il ne s’agit pas d’un cinéma au sens strict du terme où seraient projetées des bobines de films 35 mm. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point important.

Le Ciné Chachati

En province, le ciné Chachati a été créé par un commerçant libanais, Habib Chachati. Il faisait partie de son complexe commercial(1) et n’appartenait pas aux grandes sociétés d’exploitation françaises de l’époque. C’était une salle commerciale indépendante. C’est dans cette salle que le cinéaste Mahamat Saleh Haroun a connu ses premiers émois cinématographiques. Fermée comme les autres, elle ne fonctionne plus aujourd’hui et a été transformée en magasins de vente de pièces détachées.

Ceci permet de faire très rapidement une situation globale des salles de cinéma au Tchad. Sur un total de sept salles, une seule est actuellement en voie de réouverture. Le Rex est une salle à découvert et sa réouverture ne s’inscrit pas dans la logique d’une exploitation de cinématographie traditionnelle. Les films sont projetés en vidéo. Mais il faut reconnaître que grâce au DVD et aux projections itinérantes, « En Attendant le Bonheur » d’Abderrahmane Sissoko est devenu un succès populaire en Mauritanie et le cinéaste lui-même reconnu dans son propre pays. Alors pour encourager les cinéastes qui s’inscrivent dans une logique de production internationale, ne vaut-il pas la peine d’encourager de tels circuits de diffusion qui viennent combler un manque en attendant d’hypothétiques réouvertures que de pleurer sur la fermeture des salles et qualifier ces circuits parallèles d’illégales ? La question reste posée.

FESTIVALS DE CINEMA

En 2018, s’est déroulé le Premier Festival de Court -métrage à Djaména. Sociologue et réalisatrice, Ache Coelo a organisé la première édition du festival de courts-métrages Fetcoum, qui s’est tenu à N’Djaména du 20 au 24 juin 2018. La manifestation a compris des projections, des formations à l’écriture et au jeu d’acteur, ainsi que des colloques autour de la production de films en Afrique et l’autonomisation économique de la femme dans la culture.

Comment l’idée du Fetcoum a-t-elle germé dans votre esprit ?
Ache Coelo : L’idée du festival a germé il y a quatre années quand je suis partie pour la première fois de ma vie à un festival de cinéma au Maroc et j’ai vu comment ce festival créait vraiment des échanges et du partage. Je me suis dit qu’au Tchad on organisait des festivals mais sans drainer du monde à un niveau international, donc pourquoi pas initier quelque chose ? J’ai pensé aux courts-métrages pour concerner le plus possible les jeunes cinéastes tchadiens, leur permettre d’assurer la relève et les renforcer au contact des autre

Etes-vous contente de cette première édition ?
Ache Coelo : Oui, c’est un pari assez inespéré, puisque c’est la première fois dans l’histoire du Tchad et du cinéma du Tchad qu’il y a plus de dix personnes qui viennent de l’étranger et surtout des personnalités. Elles sont venues pour la première fois, alors que la première édition aurait pu être un échec.