Le cinéma Palestinien

  • Mis à jour : 24 février 2015

LE CINEMA PALESTINIEN

Le cinéma palestinien fut au départ essentiellement un cinéma engagé.. Par la suite on peut divise l’histoire du cinéma palestinien en 2 tendances historiques :
- Films au discours explicitement politique qui entendait « mettre le cinéma tout entier au service de la révolution palestinienne »
- Films au langage plus esthétique réalisés à partir de 1980 par Michel Khleifi et les jeunes auteurs qu’il a inspirés

HISTOIRE DU CINEMA PALESTINIEN

Le cinéma palestinien débute en 1935 avec Hassan Sarhan qui tourna un bref documentaire de vingt minutes sur la visite du roi Saoud Ben Abdelaziz Al Saoud en Palestine . Mohammed Saleh al-Kiyali qui a étudié le cinéma en Italie collabora avec le Bureau arabe de la Ligue arabe qui lui confia la réalisation d’un film sur la cause palestinienne. Le premier long métrage palestinien est produit en 1948 : "Le rêve d’une nuit". Après la Nakba, les cinéastes palestiniens se sont réfugiés dans différents pays arabes. la plupart des films étaient financés par les mouvements palestiniens.

Dans les années 60 et 70, le cinéma palestinien apparaît en Jordanie. Il suit au Liban l’Organisation de Libération de la Palestine. En effet l’OLP, a contribué en 1967-68 à la création d’une « Unité cinéma », qui se transformera en « Groupe du cinéma palestinien » puis en « Films de la Palestine » avant de cesser d’exister deux ans plus tard. Le "Front Démocratique pour la Libération de la Palestine" a créé « Le comité artistique » qui a produit quelques films comme "L’Intifada" en 1975 et "Contre le siège" en 1978. Ce comité continuera son travail sous l’appellation « Institution Al Ardh pour la production cinématographique » et va produire un long métrage de fiction du cinéma palestinien, « De retour de Haïfa » (1978) réalisé par l’irakien Kacem Hawel et inspiré d’un roman du même nom de Ghassan Kanafani.

Dans la catégorie des films militants on retiendra que Hany Jawhariyyeh, Sulâfa Jadallah et Moustapha Abou Ali sont les initiateurs de ce cinéma.

Eux et quelques autres (Samir Nimr, Qassim Hawal...) vont réaliser des films de combat.

Ces réalisateurs manieront la caméra comme d’autres, le fusil - en 1976, Hany Jawhariyyeh sera d’ailleurs tué sur le champ de bataille, caméra au poing. Tous les films de ces premiers réalisateurs palestiniens, courts ou moyens métrages (en 16 mm pour la plupart) ne sont bien entendu pas des oeuvres de fiction, mais des documentaires, des témoignages, souvent montés avec des intentions didactiques. Leur ambition est de montrer la réalité du combat pour la libération de la Palestine dans sa relation dialectique à l’Histoire, ou bien encore de recréer, par le biais d’une fiction-documentaire, les conditions de ce combat et la situation des combattants et de leur famille. Cette production s’adresse d’abord aux Palestiniens de l’intérieur. Cinéma militant, donc - mais pas, malgré les apparences, cinéma « de propagande » interne, avec ce que le terme implique de manipulation, de bourrage de crâne.

Azza El - Hassan

En 2000 apparaît l’autre facette du cinéma palestinien avec une commande du Comité Bethléem 2000 (émanation de l’Autorité palestinienne), The Last Five Short Films of the Second Millennium (les cinq derniers courts-métrages du deuxième millénaire) est une suite de courts-métrages qui a donné à cinq jeunes réalisateurs (Azza El Hassan, May Masri, Subhi Zubeydi, Rachid Macharwi et Elia Suleiman) l’occasion de présenter ce qui, à leurs yeux, « reflète le mieux la complexité de l’expérience palestinienne ».

L’essai de Subhi Zubeydi, trente-huit ans, est le plus surprenant. Dans Ali and His Friends (Ali et ses amis), le réalisateur vivant à Ramallah interroge une bande d’enfants d’un camp de réfugiés de Cisjordanie sur leurs attentes et sur leurs rêves. Leurs réponses - « construire un terrain de football dans le camp ».
Mais dans tous les cas le cinéma est vecteur de l’identité Palestine
Il y a une conjoncture, en partie due à l’existence de la caméra numérique. Il y a aussi une envie de témoigner, de prendre la caméra et de filmer. Partager le quotidien d’une identité aux multiples facettes. C’est ce qui explique le grand nombre de documentaires rapportant une réalité de terrain, un quotidien, une identité aux multiples facettes, géographiquement éclatée.

« From east to west » , d’Enas Muthaffar, raconte par exemple le déménagement d’une famille palestinienne lors de la construction du mur à Jérusalem pour ne pas se retrouver du mauvais côté. « Enquête personnelle  », d’Ula Tabari, pose la question de l’identité pour les Palestiniens habitant en Israël. « Chacun sa Palestine », de Nadine Naous et Léna Rouxelévoque les interrogations de jeunes réfugiés palestiniens nés au Liban.

CHACUN SA PALESTINE (Extrait 2 - 6’07) from Léna Rouxel on Vimeo.

« Rêves d’exil » , de Maï Masri suit la correspondance puis la rencontre entre deux adolescentes habitant deux camps de réfugiés distincts, l’un à Beyrouth et l’autre à Bethléem. Ces parcours consolident une identité, témoignent d’une histoire qui se joue sous leurs yeux. Le tournage de « Rêves d’exil », par exemple, s’est déroulé quelques jours après la libération du Sud-Liban en mai 2000, occupé par l’armée israélienne.

Les moyens et les difficultés du cinéma Palestinien

Au fil du temps, le cinéma palestinien trouve sa place dans le paysage cinématographique international. Elia Suleiman, avec le film «  Chronique d’une disparition .


Chronique d’une disparition - Bande annonce par moidixmois

Malgré tout, c’est un cinéma qui éprouve encore des difficultés dans la réalisation même des films ainsi que dans leur production, comme le rappelle Catherine Estrade : Pour « Intervention divine » , Elia Suleiman était interdit de tournage en Israël. Il ne pouvait pas se rendre à la frontière. C’est pour cette raison que certaines scènes du film ont été tournées à l’Estaque. »

Maï Masri a rencontré les mêmes difficultés : « En principe, il faut un permis de tournage délivré par l’Etat israélien. Ce qui n’arrive presque jamais, alors on se débrouille comme on peut. Ensuite, il faut composer avec les murs, les soldats. Moi, je pense continuellement à l’idée d’être visée. Mais, on en devient très créatif. ». Elle, qui a vécu la guerre au Liban et en Palestine, a développé une énergie extraordinaire qui lui permet de tourner des films dans des situations de prime abord impossibles. Lorsqu’elle a réalisé « Les Enfants du feu » en 1990 à Naplouse, sa ville natale, elle a réussi à tourner durant un couvre-feu. Elle confie : « A partir de là, le film est devenu très restreint. On apprend progressivement à s’adapter, à voir les choses d’une autre manière. »

Pour pallier les difficultés (matérielles et financières), pour renforcer leur poids, de jeunes réalisateurs palestiniens ont décidé, quant à eux, de former un regroupement libre et indépendant en 2006 baptisé Palestinian Filmmaker’s Collective. Parmi eux, on retrouve Annemarie Jacir et Enas Muthaffar,. Maï Masri explique encore : « Nous disposons de très peu de moyens parce qu’il n’y a pas d’Etat pour nous subventionner. »

Quatre nouveaux films de cinéma ont vu le jour en Palestine grâce à un projet cinématographique baptisé Massarat, financé par l’Union européenne et mis en place par l’ONG palestinienne de promotion de cinéma Shashat. Ce projet set une initiative régionale qui ambitionne de valoriser l’image de la femme dans la région
La directrice de Shashat , Alia Arasoughly a insisté sur le rôle de l’Union européenne pour développer la culture en Palestine. Selon elle, l’aide de la communauté internationale est souvent orientée vers le développement des infrastructures et l’amélioration des conditions de vie des Palestiniens ; la culture, elle, a toujours été reléguée aux oubliettes.
Fruit de la créativité de quatre réalisatrices palestiniennes, les films ont bénéficié d’une large projection dans les universités et centres culturels de Cisjordanie et de la bande de Gaza durant les mois d’octobre et de novembre 2009.L’expérience cinématographique dans le cadre de Massarat s’est caractérisée par un travail d’équipe : les quatre réalisatrices ont joint leurs efforts et se sont donné des conseils pour parvenir à un bon résultat pour chacune d’entre elles


Autre difficulté plus pernicieuse :
au cours des dernières décennies, le cinéma israélien a occulté le cinéma palestinien, au même rythme que les colonies juives empiétaient sur le territoire physique palestinien. Bien sûr le cinéma palestinien résiste mais une tendance nouvelle apparaît (qui se traduit, sur le terrain, par le fait que, pour accéder à la Palestine, il faut d’abord passer par Israël). Celle de filtrer les voix et images palestiniennes à travers le canal d’organisations juives ; C’est ainsi que le film Des hommes libres fait passer l’idée que le seul héroïsme possible, pour un Arabe, c’est de sauver des Juifs.
Par contre il reste des films tout à fait palestiniens. Le Cinéma d’Elia Suleiman, de Laurent Billard (2006) pourrait reprendre le titre d’un autre documentaire du même auteur : Le Rire contre les larmes : Suleiman refuse de s’apitoyer, dans son cinéma (ainsi dans Intervention divine, 2002) comme dans la vie : pour entrer, avec le cinéaste, dans Ramallah, il doit faire un détour de 2 heures, son passeport israélien lui en interdisant l’accès. Une fois à Ramallah, il nous fait visiter la cinémathèque centre culturel, prise d’assaut, en 2002, et vandalisée, par les Israéliens qui, avant de la quitter, déféquèrent partout : "Il faut sans doute prendre cela pour une métaphore", conclut-il en souriant.

Du cinéma palestinien au féminin

Les films réalisés dans le cadre de Massarat traitent de sujets variés liés à la femme ; certains dépassent la ligne rouge autour de questions sensibles et d’autres cernent de près la souffrance des femmes palestiniennes.

Inspiré d’un conte populaire, le film «  Graines de grenades dorées » réalisée par Ghada Terawi entremêle un conte féérique et des témoignages de femmes ayant réussi à briser le mur du silence sur l’inceste.

Autre film : « Loin de la solitude » , réalisé par Sawssan Qaoud, emmène le spectateur dans le quotidien dur de paysannes au travail dans les champs. « Les paysannes, elles, s’attèlent tous les jours à vendre leur récolte.Nous passons à côté d’elles et les regardons avec indifférence sans aucune considération pour leur condition en tant que femmes. Seraient-elles fatiguées ? Que signifie pour elles de travailler dans les champs et de vendre leurs produits dans les rues ? Ce sont des questions que nous omettons de poser, malheureusement », déplore Sawssan Qaoud.

« Samia » , par Mahassen Nasser-Eldin, dresse le portrait d’une femme palestinienne qui travaille dans le domaine de l’éducation à Jérusalem et qui lutte pour la protection des droits des palestiniens dans la ville sainte, laquelle ne cesse de perdre au fil du temps beaucoup de son identité arabe. Et c’est à la suite d’une âpre lutte auprès des autorités israéliennes que Samia est enfin parvenue à mettre en route un projet d’habitation censé assurer un toit à des dizaines de familles palestiniennes. « Samia est une femme combattante, qui lutte non seulement contre l’occupation, mais aussi contre un système de société patriarcal, donnant ainsi de l’espoir aux jeunes générations », affirme Mahassen Nasser-Eldin,

Enfin, « Premier amour », par Dima Abu Ghoush, aborde les toutes premières histoires d’amour vécues par de jeunes adolescentes palestiniennes. Cinq femmes âgées entre 19 et 22 ans ont ainsi témoigné courageusement de leur premier amour. La réalisatrice Dima Abu Ghoush explique : « J’ai choisi d’axer mon film sur un thème lié à l’humain et non au politique, contrairement à la tradition des réalisations cinématographiques en Palestine. Il est important de mettre la lumière sur des questions d’ordre social et de montrer au monde entier l’image d’un peuple ambitieux et amoureux de la vie, loin de ce qui est transmis sur les Palestiniens dans les télévisions locales et satellitaires.

Article réalisé grâce aux articles relevés sur les sites suivants :
- wikipédia :
- Rue 89
- AFPS
- Europa Jaratouna
- Collectif Urgence Palestine Genève
- Le grand soir