LE CINEMA TURC
Le cinéma turc fait partie intégrante de la culture populaire turque, au point que, dans les années 1960 et 1970, la Turquie fut le cinquième plus grand producteur mondial de films (environ 300 films produits par année). Ces films populaires étaient pour la plupart produits dans les studios de Yenilçam (signifiant « Pin vert ») à Istanbul.
Depuis la Palme d’or de Y ?lmaz Güney pour "Yol" au Festival de Cannes en 1982, le cinéma turc navigue entre un cinéma d’auteur reconnu à l’étranger et un cinéma commercial à succès vu essentiellement en Turquie.
Origines
C’est en 1897 que le "Cinématographe" Lumière est montré en public à Istanbul, capitale de l’empire ottoman.
En 1911, les Frères Manákis filment un documentaire intitulé "La Visite du sultan Mehmet V Renat" à Monastir, dans les Balkans encore sous domination ottomane.
Le documentaire « La chute du monument russe de San Stéfano », réalisé en 1914 par Fuat Uzk ?nay, est considéré comme le premier film turc. En outre, « Le mariage de Himmet Agah », commencé en 1914 et achevé en 1919, compte également au nombre des premiers films turcs. A cette époque, les réalisateurs tournaient plusieurs films à thème, en dehors des films d’information sur la Première guerre mondiale.
En 1923, Mustafa Kemal proclame la république après une dure guerre de libération nationale. Homme de théâtre et "pionnier" du cinéma, Muhsin Ertugrul va dominer l’écran pendant 20 ans, avec entre autres des films plutôt déclamatoires comme "Aysel, fille du marécage" (Batakli damin kizi Aysel, 1935)
et "Victime de la volupté" (Sehvet Kurbani, 1940), avec la sublime actrice Cahide Sonku. « La Chemise de feu » (1923) porte sur la guerre d’indépendance et il y apparaît la première actrice musulmane. « Les rues d’Istanbul » (1931) premier film sonore et « Une nation se réveille » (1932) sont parmi ses plus importants films. Son dernier film, "La Tisserande" (Halici kiz, 1953), sera le premier film turc en couleur.
L’âge d’or du cinéma turc
Malgré la censure, l’"âge d’or" des années 50-75 marque l’essor d’un cinéma "néoréaliste" à connotation justicialiste et "agraire", ainsi que du mélodrame, de la comédie et du film patriotique ("kémaliste"), comme cette curiosité du cinéma turc des débuts, "Fato, l’indépendance ou la mort" (Fato, ya Istiklal, yanlüm) de Turgut Demirag qui peut paraître lourd et "kitsch" aujourd’hui.
Dans cette veine "patriotique", "L’Ennemi a bloqué les routes" (Düsman Yollari Kesti, 1959) est beaucoup plus crédible. Une autre curiosité historique est le film "policier" à la Louis Feuillade -merveilleusement théâtral-, Yilmaz Ali (1940) de Faruk Kenç.
Mais la prédilection du cinéma turc semble -à l’instar d’un puissant romancier comme Yachar Kemal- aller aux histoires de brigands d’honneur. Plusieurs réalisateurs de cette période se détachent, devenus maintenant des "classiques". Lüfti nmer Akad d’abord (49 films à son actif), avec "Frappez la putain" (Vurun kahpeye, 1949 ), un film passablement naïf sur une institutrice de village en butte à la haine des milieux musulmans fanatiques lors de la guerre d’Indépendance, avant "Au Nom de la Loi" (Kanun Namina, 1952 ), entre "mélo" social et policier marqué d’un "réalisme poétique" à la Marcel Carné, qui signe la préoccupation du réalisateur pour les mutations sociales de son époque.
Yönetmen : ’mer Lütfi AKAD
Oyuncular : Ayhan I’IK, Türkan ’ORAY
Représentative est également sa "trilogie anatolienne" de bandits d’honneur et de vendettas illustrée dans la rétrospective par "Le Mouchoir blanc" (Beyaz Mendil, 1955), et "La légende du Mouton noir" (Kizilirmak Karakoyun, 1967) adapté de Nâzim Hikmet.
La période de Yenilçam
Des années 1950 au début des années 1980, les studios de Yenilçam à Istanbul produisaient jusqu’à trois cents long-métrages chaque année. Tournés très rapidement avec de petits budgets, ces films très populaires auprès d’un public turcophone, s’inspiraient principalement du genre mélodramatique, mais aussi des films d’action et d’aventures, des comédies romantiques et des westerns « kebab ».
Dès les années 1950 et 1960, le système a ses pinups et ses play-boys gominés, surnommés les « jön » (se prononçant exactement comme le mot français « jeune »). Ces acteurs ne sont pas formés au métier et ils peuvent être embauchés suite à des concours dans des magazines, apportent leurs propres costumes sur le tournage et font eux-mêmes les éventuelles cascades des films d’action. De même, le son n’est pas enregistré en direct et les dialogues sont doublés par des comédiens de théâtre.
Dans cette immense production, des réalisateurs se distinguent. Toujours Lüfti nmer Akad qui en 1968, signe une délicieuse histoire d’amour, "Ma Bien-aimée publique" (Vesikali Yari) sur un maraîcher naïf et droit qui s’éprend d’une entraineuse de cabaret, la sublime Türkan Soray, jusqu’aujourd’hui l’actrice mythique du 7e Art turc, avant de revenir à sa femme légitime.
Suivent trois films fraternels sur les traumatismes des paysans immigrés en ville avec "La Bru" (Gelin, 73), "La Noce" (Dügün, 75) et "La Dette" (Diyet, 75).
Signalons au passage que l’un des films turcs les plus forts sur l’exode rural est, excellemment interprété par des acteurs comme Fikret Hakan
et Erol Tas, "La Route sans fin" (Bitmeyen Yol, 65) de Duygu Sagiroglu, sur six jeunes chômeurs anatoliens partis à Istanbul pour tenter de survivre et qui ne trouveront qu’humiliations, désillusions et délinquance.
De l’autre "classique" de cette période, Metin Erksan, il faut avant tout retenir, en dehors d’une belle histoire de bandits d’honneur, " Le Héros des 9 montagnes" (Dokuz Dagin Efesi, 1958), "La Vengeance des serpents" (Yilanlarin ??cü, 1962 ) dont l’humour ne cache pas les abus de pouvoir des petits aghas de village et, plus encore, le magnifique " Un été sans eau" (Susuz Yaz, 1963 ) une tragique illustration de la sécheresse et des conflits nés du rationnement des eaux d’irrigation entre les paysans. Ce film remporte l’"Ours d’Or" à Berlin (1964), 1ère distinction internationale majeure pour le cinéma turc.
Avec "Le Puits" (Kuyu, 1968), Erksan réalise un chef d’oeuvre, axé sur le désir irrépressible d’un "macho" campagnard pour une fille qui le repousse, tout en étant fascinée par un rapport masochiste ambigü, une histoire qui se termine par un meurtre et un suicide.
Un autre réalisateur important de la période, Süreyya Duru, était représenté dans ce panorama par un film emblématique de son oeuvre : "Bedrana" (1974), la superbe histoire d’un berger qui s’enfuit avec sa bien-aimée, laquelle est blessée par un homme qui tente de la violer : cette "faute" supposée la condamne à mort aux yeux du village...
C’est aussi l’"ère du cinéma national (d’auteur)", longtemps marginalisé par le cinéma commercial prend son essor : la production atteint 80 fictions en 1958, 230 en 1969, 300 en 1972 ! D’abord Halit Refig, auteur de " Les Oiseaux de l’exil" (Gurbet Kuslari, 1964 ), première réalisation consacrée à l’exode rural à travers l’histoire d’une famille anatolienne happée par le "mirage" d’Istanbul, sorte de remake moins réussi de "Rocco et ses Frères" de L. Visconti, avant un charmant film pseudo-historique sur la fin de l’empire ottoman, "Quatre Femmes au harem" (Haremde Dört Kadin, 1965 ).
Le fin Atif Yilmaz toujours prolifique (150 fictions) aborde des genres et des thèmes divers, fréquemment à l’écoute des femmes et des relations amoureuses. Il est l’auteur du merveilleux "Ah, la belle Istanbul" (Ah güzel Istanbul, 1966), un prétexte pour montrer la beauté et l’humanité de la métropole du Bosphore de cette époque à travers la rencontre d’un vieux monsieur digne et nostalgique et d’une pulpeuse provinciale "émigrée" à Istanbul ambitionnant d’abord d’être actrice et se rabattant, faute de mieux, sur le métier d’entraîneuse. Il tourne ensuite entre autre un film grave et dérangeant, " Le Sacrifice" (Adak, 1979), basé sur un fait divers des années 60, entrelardé de trop d’interviews vrais ou faux, de l’époque, sur l’assassinat par un paysan misérable et très pieux de son deuxième petit garçon, à la suite d’une grave injustice subie par lui et dans l’obsession, salvatrice à ses yeux, de reproduire le sacrifice d’Ismaël par Abraham, mais dans un accomplissement prévu ni par la Bible, ni par le Coran.
La vague érotique des années 1970
Dans les années 1970, suite à l’apparition de la télévision publique et à la baisse de la fréquentation des salles de cinéma, les studios de Yenilçam réagissent à cette nouvelle concurrence en produisant des films à caractère sexuel imitant les comédies érotiques italiennes : le Yenilçam porno ou Seks furyas ? est né. Ces films érotiques, qui ressemblent beaucoup aux autres productions de Yenilçam, suivent souvent les codes des genres populaires de l’époque : la comédie, la romance, l’ aventure, le policier et même le western à ceci près que des séquences « chaudes » sont insérées dans la trame du film et qu’elles peuvent être coupées à la demande du distributeur.
Parmi ces films, citons : "Parçala Behçet" (1972) de Melih Gülgen, premier film turc considéré comme érotique et premier d’une longue série avec l’acteur Behçet Nacar.
En 1980, le coup d’état militaire jugule Yenilçam et cette intense Seks furyas ?, même si des films érotiques seront encore produits et diffusés par la suite. Porté par une censure sévère et une idéologie « islamique-nationaliste », le nouveau pouvoir conservateur et autoritaire interdit les séquences pornos dans les salles, interdictions qu’encore récemment le parti AKP a renforcées et étendues.
Le cinéma contemporain
Dans un tout autre registre, Atif Yilmaz réalise "Une Goutte d’amour" (Bir Yudum Sevgi, 1984), avec un acteur apprécié aujourd’hui, Kadir Inanir, sur l’émancipation d’une femme simple dégoûtée par un mari sale et alcoolique : elle s’embauche dans une usine où elle trouve le grand amour dans la personne d’un collègue, devant se battre là encore, mais contre les mauvaises langues et la bonne conscience. En 1985, il sort "Prénom (Adi) Vasfiyé" (1985), un regard sensible, tragique et humoristique à la fois, sur l’itinéraire d’une femme "libre" telle qu’elle est vue mais plusieurs hommes qui l’ont aimée.
Mais c’est Yilmaz Güney, militant politique kurde, acteur, scénariste et cinéaste à la personnalité complexe, très populaire en Turquie, qui domine longtemps l’écran, au risque d’occulter d’autres talents. Cet acteur qui a joué dans une centaine de films en Turquie, certains constituant de véritables "westerns anatoliens", l’influence du cinéma populaire américain est nettement décelable, est le chantre et l’interprète de l’espoir et de la révolte de hors-la-loi justiciers, du tragique et poignant "Seyyit Han" -1968), un hors-la-loi revient pour voir que sa bien-aimée est mariée à un autre et tous les deux en mourront, au "Mur" (Duvar, 1983), une pesante allégorie sur les violences policières en Turquie, contre les Kurdes en particulier, réalisé en France où, exilé, il meurt d’un cancer en 1984. Son inoubliable "L’Espoir" (Umut, 1970 ) où un pauvre entre les pauvres devient fou à la recherche d’un trésor mythique, fit le tour du monde, "Elegie" (Agit, 1971 ), un chef de brigands blessé est soigné par une belle infirmière mais ne survit pas à la police et "Camarade" (Arkadas, 1974), sur la prise de conscience par deux anciens camarades que leurs idéaux politiques sont irrémédiablement opposés, incarnent le cinéma turc à l’étranger pendant 25 ans.
Emprisonné, il écrit le scénario et cosigne l’admirable "La Permission" (Yol, 1982), Palme d’Or ex-aequo à Cannes en 1982) réalisé par Serif Gören,
un des plus solides talents turcs d’aujourd’hui, qui a entre autre signé "Le Remède" (Derman, 1983 ) sur la vie d’un village perdu dans les neiges vu par une sage-femme de la ville. De Gören, le remake "modernisé" de "La Vengeance des Serpents", nombre de légendes anatoliennes tournent autour de ce reptile, est moins convaincant que le film homonyme de Metin Erksan.
L’un des plus célèbres films turcs de ces années-là, "Le Troupeau" (Sürü, 1978 )
ainsi que "L’Ennemi (Düsman, 1980), sont filmés selon les directives de Yilmaz Güney par Zekinkten. Ce dernier réalise entre autre "Le Lutteur" (Pehlivan, 1984), avec le grand acteur Tarik Akan, où il montre les espoirs d’un athlète pauvre qui veut devenir champion de lutte turque, avant de se trouver confronté à la malhonnêteté du milieu. C’est aussi une interrogation sur une culture coincée entre tradition et modernité.
Cinema turc (1990-2000)
Le cinéma turc a connu une passe critique : fin des financements étatiques pour cause de crise économique, des écrans nationaux quasi hors d’atteinte, monopolisés par une distribution à 95% contrôlée par les "majors" américains, un public captivé par les films hollywoodiens (90% des films projetés) etc.
Bilan : 15 fictions seulement réalisées en 1995, dont deux par des collectifs d’auteurs. Dans le Panorama turc 96, ce sont trois réalisatrices qui se distinguaient. D’abord Tomris Giritlioglu (Grand Prix 1996) dont le 4e film, "Le 80e pas" (80. Adim), est le plus intéressant grâce à un scénario crédible : c’est la reconstitution policière de l’itinéraire de Korkut, orphelin livré à lui-même puis militant et prisonnier politique torturé pendant la dictature militaire des années 80 après avoir été rapatrié manu militari d’Extrême-Orient où il s’était enfui en travaillant sur un cargo. Son deuxième long métrage, "L’Amour plus froid que la mort" (Ask alümden soguktur ) est l’illustration plutôt osée dans le contexte turc de la vie d’une belle chanteuse tsigane de cabaret des années 60’ -Bilge, qui a réellement existé, spécialiste de la belle et sirupeuse chanson "arabesk", que la réalisatrice transforme finalement en chanteuse de rock d’aujourd’hui.
Le premier film de Biket Ilhan, "L’Homme dans la rue" (Sokaktaki Adam), marqué par la nostalgie de retrouver l’esprit de l’Istanbul des années 50, est un essai à demi réussi -le jeu d’acteurs est faible- pour camper Hasan, un anti-héros étranger à tout et rongé par l’ennui de vivre. Il se lance dans la contrebande face à des requins plus malins que lui, se dissout dans un érotisme effréné avec une poule de luxe avant de retrouver l’amour de sa jeunesse.
Pour pallier l’absence de fonds publics en faveur du cinéma, les plus brillants réalisateurs turcs actuels, sous l’impulsion en particulier d’Amer Kavur, ont réalisé en "coopérative" deux séries de cinq courtes fictions chacune (20-25 mn, 1995) sur un thème "fédérateur". "Tout ce qui n’a pas été dit sur l’amour" (Ask Azerine söylenmemis her sey) et "Amours avec gravité" (Yerçekimli Asklar).
Malgré cette situation économique difficile, le cinéma turc connait un renouveau Gören et Akten revivifient les thèmes et le langage cinématographiques turcs, ainsi que d’autres "quadras". Amer Kavur d’abord, avec "Eminé, couche-toi là" (Yatik Emine, 1974) sur une prostituée exilée dans un village au temps de l’empire ottoman et qui enflamme les hommes et finit par mourir de désespoir. Ensuite, il réalise l’un des films les plus crédibles sur l’enfance abandonnée, "Les Gamins d’Istanbul" (Yusuf ile Kenan, 1979). Son "Hôtel Mère-Patrie" (Anayurt Oteli, 1986) est une puissante radioscopie allégorique de la Turquie contemporaine qui fit grand bruit dans le pays. Son plus beau film, et l’un des plus intéressants du cinéma turc récent, est "Visage secret" (Gizli Yüz, 1991). Choisissant la trame du soufisme dans la lignée des poètes mystiques persans Farid Uddin Attar (XIIe s.) et de Djalal Eddin Roumi, ce dernier installé à Konya en Anatolie (XIIe s.), c’est une magnifique quête initiatique de l’amour, charnel et mystique, située aujourd’hui.
Ensuite Basar Sabuncu, un homme de théâtre raffiné et politisé, dont "Cuisine de riches" (Zengin Mutfagi, 1988) est un violent huis-clos allégorique de la Turquie des années 80’ placée entre deux "alternatives" -dictature militaire et/ou dérives gauchistes et terroristes ?- avant un autre splendide psychodrame, tiré de Nazim Hikmet, "Le Passage" (Yolcu, 1993) sur deux hommes et une femme bloqués par la neige en Anatolie durant la guerre d’indépendance.
Partagé entre film politique et surréaliste, Ali Azgentûrk a d’abord réalisé Hazal (1980) un magnifique drame "agraire" et féodal qui fit date, avec la plus grande actrice du cinéma turc, également réalisatrice, la très belle Turkan Soray, puis "Cheval, mon cheval" (At, 1982) sur les espoirs brisés d’un père émigré de la campagne en ville pour donner un sort meilleur à son fils.
Un autre réalisateur personnel est Erden Kiral, dont "Une Saison à Hakkari" (Hakkâri’ de bir mevsim, 1983 ), Ours d’Argent à Berlin, relate la découverte par un instituteur citadin de la vie rude d’un hameau montagnard kurde oublié de tous. L’année suivante, "Le Miroir" (Ayna) est un film quasi-muet et envoûtant, avec une remarquable prestation de l’actrice Nur Sürer, relatant le drame d’un jeune couple rural d’une grande pauvreté, dont le mari tue le fils de l’agha qui courtise sa femme et enterre son cadavre dans la pièce unique de leur masure. Des hallucinations puis la folie s’emparent progressivement de la jeune femme et on soupçonne que son mari s’engage sur a même voie... "L’Exil Bleu" (Mavi Sürgün, 1993) est adapté du célèbre roman autobiographique d’avant-guerre de Cevdet Sakir, "Le Pêcheur d’Halicarnasse". C’est le voyage intérieur un peu "papier glacé" d’un journaliste exilé par les autorités kémalistes pour un article critique.
Il faut également citer Tevfik Baser, qui vit en Allemagne, auteur de films puissants sur l’émigration turque : "40 m2 d’Allemagne" (40 m2 Almanya, 1986), les 40 m2 d’appartement qui seront le seul horizon de la jeune femme récemment émigrée d’Anatolie pour rejoindre son mari, ouvrier en Allemagne, avant "Adieu au faux paradis" (Yanlis Cennete elveda, 1989), avec la belle Zühal Olcay, dont l’horizon "allemand" est plus restreint encore puisqu’elle est en prison pour le meurtre d’un mari brutal. Mais elle sait que lorsqu’on l’extradera en Turquie, son beau-frère l’attendra pour venger le meurtre. Dans "Au Revoir étrangère" (Elveda yabanci, 1991 ), Baser explore la difficile communication entre deux amants, un Turc et une Allemande.
Dans "Deux Etrangers" (Iki Yabanci, 1991) ce thème des rapports sentimentaux conflictuels entre un Turc et une étrangère est également exploré en 1991 par le "vétéran" Halit Refig. Signalons que si le musicien devenu réalisateur Zülfü Livanelli donne une assez piètre adaptation du roman homonyme de Yachar Kemal, " Terre de fer, ciel de cuivre" (Yer Demir Gök Bakir, 1987 ), il avait réalisé en 1980 l’un des films les plus convaincants sur la dictature des années 60’, puis 80’, avec "Le Brouillard" (Sis)..
Des réalisateurs déjà chevronnés comme Yusuf Kurçenli, Tunç Basaran, Yavuz Azkan, et Memduhan, (voir son délicieux "Trois copains" (Aç Arkadas, 1958 )), figuraient également dans cette rétrospective, ainsi que de nouveaux talents. Tout particulièrement l’inégal wunderkind Orhan Oguz, dont le premier film "Malgré tout" (Herseye Ragmen, 1987 ), sélectionné à Cannes l’année suivante est un film fort, pudique et sobre sur un jeune homme secret qui, sorti de prison, trouve un emploi comme chauffeur de corbillard. Perdu dans un Istanbul immense et grouillant de monde, peu communicatif, il se prend d’affection pour le petit garçon d’une jeune femme désemparée, rencontrée par hasard. Mais celle-ci, disparaît, en lui laissant son gosse. Son "Siffle si tu reviens" (Dönersen islik çal, 1993) a un parfum de scandale dans son exploration de l’underground d’un Beyoglu en voie de "réhabilitation" immobilière à travers l’étrange amitié entre un barman nain et un travesti professionnel (un type de personnage qui semble fasciner les réalisateurs turcs ces dernières années).
Parmi les jeunes auteurs d’un seul film dans les années 90, deux au moins étaient prometteurs : D’abord Fehmi Yasar, dont "Coeur de Verre" (Camdan Kalp, 1990) se veut une prise de conscience de la violence sociale qui s’est installée dans la vie turque, entre hommes et femmes en particulier, par le biais d’un "chaos filmique" (selon son expression) tragi-comique.
Dans "Bloc "C" (Blok "C", 1993) réalisé avec peu de moyens, le jeune Zeki Demirkubuz donne une convaincante peinture du "bovarysme" aigu d’une jeune femme habitant une cité d’immeubles de la périphérie bourgeoise d’Istanbul, qui l’entraîne progressivement dans la nymphomanie et une dérive croissante d’absence à soi-même.
Citons encore Kutlug Ataman (" Dans des eaux obscures", Karanlik sular, 1994 ) et la réalisatrice Yesim Ustaoglu ("Trace", Iz, 1994 ).
Le cinéma turc dans les années post 2000
Le cinéma turc a une renommée internationale. Le réalisateur Nuri Bilge Ceylan obtient le Grand prix du Jury pour son film « Uzak Lointain » et Fatih Ak ?n, le Prix du scénario pour son film « Ya ??am ?n K ?y ?s ?nda De l ???autre côté » au festival de Cannes. Nuri Bilge Ceylan est récompensé du Prix de la mise en scène pour « ??ç Maymun Trois singes » au même festival en 2008.
« Le visage secret » d ?????mer Kavur ; « Piano, piano petit » de Tunç Ba ??aran ; « Imdat et Zarife » de Nesli ??ölgeçen ; « Au revoir demain » de Reis ??elik ; « Le bandit » de Yavuz Turgul ; « 3ème page » et « Destin » de Zeki Demirkubuz ; « Hammam », « Soirée au harem », « Fées ignorantes » et « Une vie ne suffit pas » de Ferzan ??zpe tek ; « La propagande » de Sinan ??etin ; « Les perles de Madame Grappe » de Tomris Giritlio ?? lu ; « Nuages de mai », « Lointain », « Les Climats » et « Les 3 singes » de Nuri Bilge Ceylan ; « Voyage vers le soleil » et « La boîte de Pandore » de Ye ??im Ustao ??lu ; « Faire des bateaux en écorce de pastèque » d ???Ahmet Uluçay ; « Contre le mur » et « A côté de la vie » de Fatih Ak ?n ; « R ?za » de Tayfun Pirselimo ??lu ; « Takva » d ?????nder ??akar ; « Ma glace est bonne » de Yüksel Aksu ; « Mon père et mon fils » de ??a ??an Irmak ; « Bonheur » d ???Abdullah O ??uz ; « 5 Temps » de Reha Erdem ; « Les éléphants et le gazon », « En attendant le paradis » et « Point » de Dervi ?? Zaim ; « Genre » d ???Ula ?? Inanç ; « Retour à la maison » d ?????mer U ??ur ; « International » de Süreyya S ?rr ? ??nder et de Muharrem Gülmez ; « Sur le bateau » et « Passes à l ???étroit » de Serdar Akar ; « Partir » de Hüseyin Karabey et « Automne » d ?????zcan Alper remportent de nombreux prix lors de festivals turcs et étrangers et s ???imposent dans le cinéma turc contemporain.
D ???autre part, le ministère de la culture signe des accords avec de nombreux pays européens et établit une coopération avec les organisations internationales afin de donner un nouvel essor au cinéma.
En janvier 2009, la Turquie compte 440 complexes de cinéma, soit 210 110 fauteuils. 50 des 250 films projetés dans les salles sont turcs. Sur les 38 millions de spectateurs, 22 millions visionnent des films locaux.